Il jubile
Je m'étais permis de le penser : l’Equipe de France n’allait pas en Allemagne à
Cette chaude nuit francfortoise était décidément la sienne. Il a su l’illuminer de ses improvisations si personnelles, et éclipser les étoiles d’en face, qui ont du coup, paru bien ternes. La cheville toujours aussi souple et les idées résolument claires, Zizou a caressé le ballon sous toutes ses formes, de la semelle comme du cou-de-pied, de l’intérieur ou de l’extérieur, de la pointe et du talon, martyrisant au passage le résistant Cafu. Le Brésilien, ce samedi, c’était lui, et pas Ronaldinho qui avait oublié, ses passes aveugles aux vestiaires, et surtout pas ses coéquipiers du Real Madrid, Ronaldo et Roberto Carlos, alourdi ou essoufflé par le rythme de ce match fou fou foot.
A lire la joie dans le regard du jeune Robinho, vaincu d’un soir, mais tout heureux de poser à côté du géant, on peut comprendre ce que Zinédine Zidane a représenté pour le football actuel. Il était un phare. Comment, dès lors, ne pas applaudir l’initiative du quotidien espagnol Marca qui offre une récompense à celui qui saura convaincre Zinédine Zidane de ne pas raccrocher ses godasses à la fin de ce Mondial allemand ? Le monde du football a du mal à se faire à l’idée que, passée cette première semaine de juillet 2006, le phare va s’éteindre. Zizou ne jouera plus de match officiel, ce sera sa dernière compétition, son jubilé. A 34 ans et plus tous ses cheveux, il va définitivement prendre sa retraite. Ah ! si seulement Roger Milla pouvait lui prêter une de ses sept vies !
Zinédine Zidane se retire, mais le monde du football ne l’oubliera pas, parce que l’impression qu’il laisse est ineffaçable. En mouvement sur l’aire de jeu, en photo, et même en pub, Zidane offrait au football quelque chose d’unique, qui tenait à la fois du sport et du spectacle, du rêve et de l’exploit. Cette Coupe du monde achève de le confirmer, il aura été le plus grand joueur de sa génération, et sans doute aussi, l’un des plus grands champions de l’histoire du football. Un géant, un monument.
A la veille de
Zinédine Zidane n’a-t-il pas échappé à cette morosité ? Je pense qu'il était bien atypique. S’il n’a pas traversé une décennie entière, de son immense talent, il a marqué la seconde moitié des années 90 et la première des années 2000. Zizou n’était pas seulement un footballeur, mais une sorte de chorégraphe, un véritable danseur, un artiste qui, du ballon, savait faire avec ses pieds, ce que d’autres parviendraient à peine à faire avec leurs mains. Johan Cruyff, encore lui, écrivait qu’ « un joueur hors série est celui qui fait des choses que la majorité est incapable de faire. Il peut s’agir de sa rapidité, de son tir, de sa vision de jeu, de son jeu de tête ou de son dribble, mais tous ces ingrédients ne font de personne le meilleur. Pour être le meilleur, il faut avoir presque toutes ces qualités, physiques et techniques, mais aussi beaucoup d’autres éléments. Il faut être un gagneur et il faut être décisif dans les victoires de son équipe, il faut être un leader sur le terrain et en dehors, il faut gagner le respect de tous, compagnons et adversaires. Au fond, tout le monde s’attend que chaque fois que le meilleur a le ballon entre les pieds, il invente quelque chose que les autres n’auraient même pas l’idée d’essayer. Mais il faut aussi qu’il joue quand il n’a pas le ballon. » Zinédine Zidane était tout cela à la fois. A la fin de France - Brésil de samedi dernier, le roi Pelé en personne a dit de lui qu’il est un « magicien ». Et encore, Diego Maradona estimait que Zidane jouait petit bras et n’utilisait que 60% de son potentiel. Que n’aurions-nous alors vu s’il s’était donné à fond en exploitant seulement 90% de ses moyens ?!